Depuis le début du XXème siècle, du Canada au Japon en passant par l’Europe, l’histoire abonde d’exemples de partis qui, pour surmonter une lourde défaite, ont accepté de démocratiser le processus de désignation de leur candidat tête-de-liste. Avec une influence réduite au Parlement européen (25 % des sièges) et au Conseil de l’Union européenne (20% des États et 16% de la population), le PSE se trouve bel et bien dans une situation de ce type.
C’est donc tout naturellement que se pose la question d’une primaire pour désigner le candidate à la présidence de la Commission européenne du PSE pour les élections de 2014 et. L’idée n’est pas seulement de démocratiser le parti, mais de doter le PSE d’un candidat présidentiel qui, davantage qu’un bon porte-parole, saurait créer un lien direct avec les électeurs progressistes et initier le retour du parti au pouvoir en Europe. Or, une telle candidature présidentielle ne s’improvise pas. On ne peut pas non plus attendre des leaders des partis membres du PSE qu’ils en prennent eux-mêmes le risque. En réalité, seuls les militants du PSE pourront prendre la responsabilité d’une telle désignation. Seuls eux pourront inciter les candidats à l’investiture à travailler leur projet, à renforcer leur capacité de mobilisation, et à mieux répondre aux attentes des électeurs.
Pour autant, pour assurer que le PSE fasse un choix ambitieux, la primaire du PSE devra concilier deux objectifs : prendre avant tout en compte les spécificités des partis membres ; et organiser une compétition visible, inscrite dans la durée, pour aboutir à un résultat sans ambigüité.
Une primaire déclinée nationalement
Actuellement, sur 30 partis membres du PSE, seuls 11 désignent leur leader national par le biais de primaires, dont les modalités sont très diverses. La majorité des partis membres du PSE préfère en fait s’en tenir à une procédure plus restreinte : un vote de délégués du parti rassemblés lors de conventions qui réunissent entre 130 et 1700 personnes. Face à une telle diversité, la primaire du PSE peut trouver un compromis permettant aux partis membres de continuer à fonctionner selon leur conception de la démocratie interne.
La primaire du PSE devrait pour cela être une primaire indirecte, échelonnée en deux étapes : les militants du PSE éliraient d’abord, État par État, les délégués de chaque parti membre, en vue d’une convention d’investiture chargée de désigner le candidat du PSE. Indirect, le processus n’en demeurerait pas moins une primaire, car les militants voteraient pour des délégués ouvertement engagés pour tel ou tel candidat européen. Resterait donc à répartir les sièges de délégués de manière objective entre partis membres, de préférence sur la base de la composition du Parlement européen.
Ce système permettrait à chaque parti membre de désigner ses délégués selon la procédure qui lui convient le mieux, le principe général étant que les militants devraient être impliqués. Ainsi, pour désigner ses délégués, le parti travailliste britannique pourrait appliquer la méthode des collègues électoraux qu’il emploie déjà pour la sélection de son leader national, accordant ainsi un tiers des voix aux syndicats, et un tiers aux parlementaires. Le PD italien et le PASOK grec pourraient, quant à eux, faire le choix de primaires ouvertes. Enfin, les partis les plus réticents pourraient, si nécessaire, déroger au principe de consultation des militants en confiant la désignation de leurs délégués à une assemblée plus restreinte.
Une compétition visible et un choix sans ambiguïté
L’objectif d’un telle primaire est aussi de faire émerger un candidat ambitieux et bien identifié par les électeurs. Pour cela, le processus devrait aspirer à une compétition ouverte et équitable, qui mobiliserait les média et aboutirait à un choix sans ambigüité.
Tout d’abord, il faudra éviter de restreindre artificiellement le processus à quelques candidatures autorisées. Pour qu’il n’y ait aucune suspicion sur la qualification préalable des candidats, tout membre du PSE devrait pouvoir se porter candidat à l’investiture, à condition d’obtenir le parrainage d’un nombre limité d’élus PSE dans quelques pays.
Un autre élément décisif sera le calendrier des scrutins. Une des forces des primaires américaines est justement son calendrier. L’étalement des votes des différents États sur plusieurs mois pousse en effet les candidats à développer leur projet et à mener la campagne sur le terrain, tout en entretenant le suspens sur l’issue finale. Un tel calendrier serait un atout pour la primaire du PSE.
Enfin, il faudra éviter tant que possible que le processus entier aboutisse à un résultat flou ou équivoque, qui forcerait le PSE à un compromis improbable et jetterait la suspicion sur l’ensemble de la primaire. Pour cela, le type de majorité à atteindre pour obtenir l’investiture du parti devrait être simple et claire : la majorité absolue des délégués devrait suffire. D’autant que c’est cette règle qui s’applique désormais pour l’élection du président de la Commission par le Parlement européen.
Aymeric Lorthiois,
Partisan de la Campagne pour une primaire du PSE